Je viens de finir un premier jet de mon projet de création lié à cette résidence. Évidemment, le livre en soi est loin d'être terminé. Mais j'ai au moins la base sur laquelle je veux travailler, les grandes lignes de l'intrigue et des personnages.
La première relecture
C'est très tentant de vouloir régler tous les problème en même temps, quand on se relit – même quand on écrit! Bien sûr, si on remarque des coquilles ici et là, on peut les corriger. Mais, à ce stade-ci, il est inutile de se perdre dans les détails du texte, le niveau «micro», car le récit va, selon toute vraisemblance, changer beaucoup.
La première lecture est l'occasion d'avoir une vue d'ensemble. Qu'est-ce qui manque? Qu'est-ce qu'on ne comprend pas? Qu'est-ce qui est inutile ou ennuyeux, qui tombe à plat? Est-ce que chaque scène est bien nécessaire à l'intrigue et poursuit un des deux buts suivants: apporter de l'information ou caractériser le personnage?
Voici quelques notes que j'ai prises en relisant le manuscrit de mon roman en vers. Note sur cette forme: bien qu'il y ait une intrigue et des personnages comme dans un roman, le tout se déploie sur des textes poétiques courts. Voilà pourquoi je parle souvent de textes au pluriel.
Il y a un moment où on perd de vue un personnage important. Il est introduit relativement au début du livre, puis la narratrice part dans des considérations personnelles pendant plusieurs textes. Je viens de présenter quelqu'un, qui disparaît presque aussitôt pendant trop longtemps. Je dois trouver une façon de l'intégrer à ce qui suit.
J'ai plusieurs textes «à idée», c'est-à-dire qui traitent de sujets que je veux aborder (comme la grossophobie, le rapport à la danse, etc.). Mais ils demeurent trop conceptuels. Du genre «voici une opinion générale sur ce sujet». Donc, j'essaie de trouver comment assimiler ces textes à l'intrigue, en ajoutant des événements et en montrant autant que possible des actions et réactions plutôt que de seulement énumérer des opinions.
Je me suis rendu compte que j'effleure des thèmes importants sans oser les aborder de front. Alors j'essaie de ne pas m'en détourner par facilité et de les creuser un peu plus.
Dans le même ordre d'idées, les personnages secondaires doivent avoir leur propre «mission» ou «combat», même si on s'y attarde moins. Ils ne doivent pas juste servir à faire valoir le personnage principal ou à le tirer du pétrin. J'en ai un qui est mieux développé que l'autre, donc je vais tenter d'équilibrer ça.
Enfin, en général, il est toujours bon de voir où on peut utiliser des images (symboles, actions, événements) pour montrer des choses au lieu de les expliquer.
En général, le meilleur moyen de développer un thème ou de rattacher un personnage à l'intrigue est d'utiliser un élément déjà présent dans le texte. Par exemple: dans mon roman, un des personnages fréquente un groupe de soutien. Je lui ai donc fait faire une rencontre par l'entremise de ce groupe. Ça m'a aussi permis d'établir un lien avec le vécu d'un autre personnage, en disant que celui-ci avait déjà fréquenté un tel groupe.
Donc, au lieu de multiplier les ajouts et d'aller dans toutes les directions, on a recours à ce qu'on a déjà sous la main. Ça facilite les choses, et ça resserre les fils de l'intrigue en rendant les éléments interdépendants. Un détail d'abord anodin, du genre «mon personnage a une sœur», peut devenir la clé d'un développement ultérieur. Et là, tout aura l'air planifié! 😉
Pour les autres relectures
Bien entendu, la deuxième relecture va elle aussi permettre d'observer la structure et de clarifier l'intrigue. Cependant, au fur et à mesure qu'on s'approche d'un texte final, on plonge plus profondément dans les phrases et les termes employés. On aiguise notre regard et on cherche la précision. Voici quelques points à surveiller quand on touche au niveau «micro».
Continuer à se demander si chaque scène est nécessaire, si elle sert l'intrigue ou définit le personnage.
Repérer des tics: trop d'adverbes; surutilisation de la même expression, de figures d'atténuation ou d'exagération, du tour présentation (c'est... que), etc.
Éliminer les répétitions (non voulues) de mots dans un même paragraphe ou une même page.
Simplifier: c'est étonnant, des fois, comment on utilise trop de mots pour dire quelque chose de simple. «Nous diminuons le niveau sonore de notre conversation» peut simplement devenir «Nous baissons le ton.» Beaucoup de verbes peuvent aussi sauter: «j'ai décidé, je sais , je pense, je crois, je me dis que, il arrive que...» Dans plusieurs cas, on peut aussi trouver un verbe plus précis qu'une périphrase: «je fais des bonds» devient «je bondis», «je lui présente mes excuses» devient «je m'excuse», etc.
Les pléonasmes: «recommencer une autre fois», «venir rejoindre», etc. Plusieurs pléonasmes sont expressifs; ils ont un effet d'insistance qui est important dans le discours du personnage. Aussi, je ne dis pas de tous les éliminer rigoureusement. Mais, dans les cas où ils n'apportent rien, ils ne font qu'alourdir le style.
Le correcteur d'Antidote a d'excellents outils pour repérer des répétitions, des verbes ternes, des phrases averbales ou impersonnelles, etc. Il y a aussi des statistiques concernant les temps de verbe, les catégories de mots. Toutes ces choses peuvent aider à affiner l'écriture.
Cependant, une fois le texte bien avancé, rien ne remplace un regard extérieur pour repérer tous ces failles, tics et images qu'on n'ose pas couper! Mais vous aurez facilité la tâche à votre coach littéraire, de même qu'à la personne qui vous révisera, si vous avez déjà fait un premier défrichage. Cela leur permettra d'aller en profondeur et de faire un travail impeccable!
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