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Photo du rédacteurAimée Verret

Les textes-tremplins

Au début de l'année, j'ai eu le bonheur de voir mon recueil de poésie pour les jeunes accepté par La courte échelle. Pendant plusieurs mois, les éditrices de la maison m'ont fait des commentaires sur celui-ci (voir La direction littéraire...). Ce qui est ressorti généralement de leurs remarques était que le recueil touchait à beaucoup de thèmes différents et gagnerait à être resserré autour d'un seul (et bien sûr des sous-thèmes qui l'accompagnent).

Je n'en ai pas vraiment fait de cas, parce que je voyais une intrigue se découper à travers le manuscrit. J'ai songé que je n'avais qu'à l'extraire et à la prendre comme base pour le livre que j'écris actuellement, à l'occasion de ma résidence à la bibliothèque de Rivière-des-Prairies. Comme j'avais l'intention d'écrire un roman en vers, je me suis dit: Bah! Facile! Tous les textes que je vais couper vont pouvoir trouver leur place dans mon nouveau manuscrit. Yé! Je suis déjà avancée!

Mais.

(C'est mon nouveau tic, écrire «Mais» comme une phrase complète tout seul sur une ligne.)

Ça fonctionnait bien au début. Ça m'a donné un souffle pour me lancer dans cette nouvelle histoire. J'avais deux personnages établis, ma narratrice et un garçon sur qui elle a un œil. Or, celle-ci est plus vieille que celle dans le recueil pour La courte échelle. Et, au bout de 20, 30 pages, je me suis rendu compte que, bien que j'écrivais en vers de nouveau, le ton était cette fois complètement différent.

Je n'étais plus dans le même livre. Je devais accepter que ce roman ne demandait pas les mêmes choses que le recueil. Depuis, il m'amène ailleurs.

Dans certains cas, j'ai réussi à modifier le ton, la manière ou le propos d'un poème et à l'adapter au nouveau projet. Les autres, je les ai mis de côté, en me disant que peut-être que je finirais par leur trouver de la place. L'important, c'est de ne rien forcer.

Parfois, il faut juste admettre qu'un texte ne colle plus. C'était peut-être un texte-tremplin; un texte moins fort, un peu brouillon, qui a toutefois permis d'orienter le recueil ou le récit, qui a mené vers d'autres textes plus clairs, plus aboutis ou plus originaux. C'est correct aussi.

Des fois, je regarde la nouvelle version de mon recueil de La courte échelle et j'ai l'impression que ce n'est plus le même livre qu'au départ. Il ne reste plus tellement de mes poèmes originaux. Il faut dire que, plusieurs fois, il m'a semblé plus efficace de repartir à neuf et d'écrire quelque chose de nouveau que de modifier un texte problématique.

Ç'a donné une nouvelle mouture du livre: une peau neuve sur un même cœur.

C'est pour ça que le regard extérieur de l'éditeur ou éditrice est précieux. Il nous aide à comprendre nos angles morts et à nous recentrer sur notre propos.

Ce n'est jamais le fun de couper des textes ou des passages, mais c'est parfois nécessaire. Dans le meilleur des cas, on peut les récupérer ailleurs, dans un projet où ils trouveront une place justifiée, méritée.

Sinon, mieux vaut se rappeler le principe du texte-tremplin: ce texte nous amène là où on doit atterrir. Même s'il ne fait plus partie du produit fini, il y a contribué autant que les autres. On peut faire confiance à nos textes, même les moins forts.


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1 Comment


gundammemorium
Jun 24, 2021

Ce qu'on écrit n'est jamais vraiment perdu, même quand il n'est pas publié. On le voit très bien ici!

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