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Photo du rédacteurAimée Verret

Retravail d'un poème

À la suite de mon article qui posait la question quand un texte est-il fini?, j'ai eu envie de donner l'exemple d'un des poèmes que j'ai travaillés pour le projet du Tubart.

Voici une photo du produit fini:


Alors que la date de remise approchait, le texte était légèrement différent. Il se présentait comme suit:

Mais je boguais toujours sur «l'invitation moutonneuse de l'infini». J'aimais vraiment l'image, sauf qu'il me semblait que ça se lisait mal. Le vers était trop long, ça accrochait. C'est une question de perception interne qui se décrit difficilement.

Je tenais à garder «percé» seul sur un vers en dessous, parce que ça me faisait l'effet d'une ponction, justement. J'ai essayé plusieurs permutations et reformulations avant d'arriver à la version finale.

En modifiant le vers précédent, «ligoté au mât», j'ai réussi à raccourcir le vers problématique, sans changer mon idée. De toute façon, on avait déjà les cordages et le verbe «arrimer» dans la deuxième strophe: «ligoté» n'était donc pas nécessaire.

Les changements en un coup d'œil:

En fin de compte, je sentais que ça y était. Le poème coulait à mon oreille et c'est alors que j'ai «décidé» qu'il était bel et bien terminé. Sur le coup, ça me semblait totalement arbitraire. C'est en me penchant sur le texte par la suite que j'ai remarqué les jeux sonores qui s'étaient établis comme à mon insu. Je devais les éprouver dans mon corps, mais je n'y avais pas réfléchi.

J'ai essayé ci-dessous d'indiquer les correspondances avec des couleurs... et il y en a tellement! À regarder l'ancienne version, je me rends compte que «invitation moutonneuse» avait quand même quelques rapports avec le reste, mais l'ajout de «faisant corps» et du son «-en» dans «moutonnement» solidifie vraiment l'ensemble. C'est le milieu de la strophe, son cœur finalement. Cela demande une attention particulière.

Donc voilà! Comment j'ai su que le texte était fini? Il y avait un équilibre à la lecture, malgré l'effet d'instabilité recherché par les vers plus courts. Il y avait un réseau sonore qui venait soutenir les images qui, elles, étaient là dès le début. Mon propos était très clair à mon esprit, inspiré par deux belles photographies navales de Charles-Frédérick Ouellet, dont une seule est reproduite dans le Tubart. L'idée d'être attaché au mât était bien sûr un clin d'œil à Ulysse. Il s'agissait maintenant de peaufiner la forme pour que le poème soit cohérent.

Je me demande si cette démonstration peut vraiment aider quelqu'un. 😂 Mais moi, j'ai trouvé intéressant d'étudier mon processus, car c'est habituellement quelque chose que je fais instinctivement. C'est fascinant de voir que le corps et ce qu'on peut appeler «l'inconscient» travaillent et nous surprennent nous-mêmes dans nos œuvres, qu'elles soient textuelles, visuelles, dansées, musicales...

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